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Le Rythme Signé

Santiago Vazquez a développé le langage du Rythme Signé pour les percussions grâce à son expérience de percussionniste, compositeur, chef d'orchestre et producteur...

Santiago Vazquez & La Bomba de Tiempo

La Bomba de Tiempo, qu’il a fondée en 2006, a permis de mettre ce langage en pratique et a été le premier groupe à utiliser le Rythme Signé avec les percussions. En très peu de temps, ce langage s’est propagé de Buenos Aires à d’autres villes d’Argentine. Mais également à l’étranger et notamment au Brésil, au Chili, au Paraguay, en Colombie et en Belgique.

Deux des caractéristiques du langage des Percussions avec Signes sont la synthèse et l’universalité. En combinant un petit répertoire de signes en phrases, il est possible d’exprimer une quantité infinie d’instructions et d’idées rythmiques ; et ce à divers degrés de complexité. Il est possible d’apprendre, avec un minimum d’effort, le vocabulaire de base et de collaborer ainsi avec les membres de son propre groupe ; mais aussi avec d’autres musiciens ayant quelques connaissances de ce langage.

L’ÉMERGENCE DU LANGAGE DU RYTHME SIGNÉ ET DES PERCUSSIONS AVEC SIGNES

LES PREMIÈRES ÉTAPES

Depuis l’enfance, la relation de Santiago Vazquez avec la musique inclut l’improvisation et la composition.
C’est pourquoi, en tant que musicien professionnel, il lui semblait naturel d’utiliser l’improvisation comme base de tout un concert. Cette idée est finalement devenue une pratique courante dans nombre de ses projets.

Après cinq ans d’étude de la musique –  avec la batterie pour principal instrument –  Vazquez a ressenti, à l’âge de 15 ans, l’appel d’autres instruments à percussion. Celui qui a particulièrement capté son attention était le Berimbao, un instrument afro-brésilien à cordes simples qui, lorsqu’il est frappé, produit deux notes. Même s’il a appris cet instrument en autodidacte, il se l’est rapidement approprié pour créer des mélodies avec plusieurs notes.

A la même époque, Vazquez s’est aussi intéressé aux questions rythmiques, tels que les rythmes irréguliers et amalgamés, les polyrythmies et les décalages.
Il retranscrivait ses idées sur des serviettes en papier, des cahiers et des enregistrements. Son objectif était de les rassembler, un jour, dans une compilation qu’il appellerait « études en rythme ».

Plus tard, Vazquez a utilisé Portastudio, un enregistreur cassette à quatre pistes, ce qui lui a permis de superposer son Berimbao accordé de quatre manières différentes. Il a donc pu générer des harmonies avec les Berimbaos. Il les a ensuite jouées et enregistrées pour créer un orchestre virtuel. Au cours de ces expériences, il a conçu des “systèmes harmoniques” qui réglementaient le type de notes ou d’intervalles que chaque Berimbao pouvait produire : jouer dans une certaine clé, jouer une série ou encore utiliser certains intervalles. En parallèle, il a enregistré des instructions vocales sur l’une des pistes afin de connaître, lors de l’enregistrement du Berimbao suivant, le moment précis où il devait changer le “système harmonique”.

À l’âge de 17 ans, Santiago Vazquez fit sa première tournée internationale en tant que batteur et dans tous les endroits où il est allé, il transcrivait différents schémas de percussions dans ses carnets et analysait la manière dont les différentes parties s’emboîtaient. Santiago a également fait des voyages d’études au Brésil, en Uruguay et au Maroc. Il s’est ainsi familiarisé avec une variété de festivités et de cérémonies sacrées et profanes.
Dans toutes ces festivités et cérémonies, outre la richesse des rythmes, un autre élément a retenu son attention: le rythme qui relie toutes les personnes présentes dans une transe qui va au-delà de l’individu. Ce phénomène est également devenu l’objet de ses recherches et de sa motivation, car Buenos Aires – la ville où il est né et où il vit – manque d’une tradition de percussion alors qu’elle compte un nombre suffisant de percussionnistes pour déployer ce type d’activité. Grâce à l’observation de ces festivités et d’autres qu’il a rencontrées, plus tard, à travers le monde, il a choisi des modèles et des concepts qui ont, par la suite, nourri le développement des signes.

En 1998, Vazquez a assisté à une répétition du musicien américain Butch Morris, qui a créé une langue des signes codée pour diriger des improvisations de groupe. Après la répétition de Butch Morris, son ami Martin Iannaccone, qui jouait dans ce groupe, lui a dit : “Tu devrais essayer un groupe comme celui-ci en Argentine”. Vazquez se souvient qu’à l’époque, il avait ri de cette idée qu’il trouvait absurde.

Quelques mois plus tard, il a compris qu’avec un langage des signes similaire, il pourrait mettre ses “systèmes harmoniques” en pratique avec un groupe d’instruments mélodiques. C’est ainsi que son premier groupe d’improvisation dirigé avec des signes, le “Colectivo Eterofonico de l’improvisation ” est né.

Après trois ans en tant que chef du Colectivo Eterofonico et près de quinze ans à amasser des idées rythmiques, Vazquez a senti qu’était venu le moment de développer un projet où il pourrait travailler plus spécifiquement le rythme.
Non pas le rythme considéré comme une durée de notes, mais le rythme comme aspect cyclique de la musique qui ; lorsque nous dansons, harmonise le corps et l’esprit. Ces cycles peuvent, dans certains cas, induire des états de transe au cours desquels le temps se dissout dans l’immensité de l’expérience rythmique.

EN SE CONCENTRANT SUR L’ASPECT RYTHMIQUE

Un matin de septembre 2005, Santiago Vazquez était assis sur la véranda d’une petite maison face au ruisseau Caraguatà, dans le delta de la Rivière Parana – à presque 40 km du centre de Buenos Aires – regardant les eaux colorées et méditant sur son prochain projet. Soudain, plusieurs idées auxquelles il réfléchissait depuis longtemps se sont assemblées dans son esprit comme les pièces d’un puzzle. Presque toutes les procédures accumulées au fil des années, dans ses études du rythme pouvaient être signées et réalisées sur des rythmes improvisés. En partant du principe qu’elles soient répétées à l’infini, de sorte que les signes ne proviennent plus du ton mélodique ou du timbre mais plutôt du rythme.
Vazquez souhaitait créer un nouveau langage des signes basé sur le rythme, la répétition devait en être le principe fondateur et le point de départ.

Pour jouer avec les instructions rythmiques – parfois complexes – que Vazquez avait accumulées, tout en permettant aux musiciens de s’exprimer avec le cœur, il avait besoin de personnes bien formées à la technique et à la théorie. En revanche, répéter une partie simple à l’infini est parfois un challenge pour l’ego de musiciens virtuoses.

Au terme de deux nuits blanches, il avait noté les soixante-dix premiers signes qui constituent le noyau de ce langage.

Dans les mois qui ont suivi, il a dressé une liste des musiciens idéaux pour ce groupe ainsi que les orchestrations possibles. Il a également fait des schémas pour placer les musiciens sur scène. Il en a conclu qu’il devrait y avoir au moins treize percussionnistes pour générer un bloc sonore et permettre de diviser le groupe en deux ou trois sections avec lesquelles il pourrait réaliser le type de polyrythmie qu’il avait en tête. Tout cela sans perdre la puissante sonorité d’un grand groupe de percussions.

CONCERTS DE RÉPÉTITION

En décembre 2005, Santiago Vazquez a contacté les premiers musiciens pour leur parler de son projet d’improvisation. Tout en leur listant les noms des autres musiciens qu’il avait l’intention de contacter. Cette dernière information a constitué une motivation suffisante pour que quasiment tous acceptent de participer au projet sans aucune rétribution financière.

Lors de la première répétition qui a eu lieu, en mars 2006, chez Vazquez, il avait préparé des petits cahiers avec ses soixante-dix signes ainsi qu’une variété de tambours et d’instruments de percussion, afin que chaque musicien puisse choisir. Comme il le fait habituellement quand il rassemble un nouveau groupe, il leur a proposé d’improviser librement, sans signes ni indications. Il souhaitait ainsi observer ce que ce groupe de musiciens avait naturellement tendance à créer.

Les quinze premières minutes ont été très démoralisantes. Chaque musicien – habitué à gérer individuellement toute la partie rythmique – improvisait en variant des parties et en jouant des solos. Cela générait une grande énergie mais produisait un résultat chaotique et impossible à façonner.

Masquant sa déception, Vazquez donna une première consigne, qu’il avait prise pour acquise et qui, au final, était la condition qui rend possible la pratique du Rythme et des Percussions avec signes. “Improvisez une figure rythmique mais répétez-la à l’infini sans aucune variation. Absolument tout ce que vous jouez doit être répété. Vous aurez le temps de la changer plus tard, lorsque le chef d’orchestre l’indiquera. “

Les musiciens ont, tout de suite, compris la consigne. Et même sans utiliser aucun signe, l’improvisation a généré des structures sur lesquelles l’univers des Percussions avec signes pouvait commencer à être modélisé. Vazquez a pris une profonde inspiration et s’est réjoui d’avoir passé ce premier test.

Au cours des mois de répétitions qui ont suivi, il a progressivement montré les signes au groupe. Avec ces signes, ils ont étudié le potentiel, non seulement de la musique, mais aussi d’un groupe de percussionnistes dans ce contexte particulier. Ils ont essayé diverses orchestrations, en créant des sections différenciées d’instruments et en définissant le propre langage musical du groupe.

La première répétition publique de La Bomba de Tiempo a finalement eu lieu le 8 mai 2006. Ce soir-là et les lundis des trois semaines suivantes, près de 300 personnes sont venues découvrir leur musique.

Après un an de spectacles hebdomadaires, les répétitions publiques se sont transformées en concerts. Et chaque lundi près de mille personnes venaient danser, écouter, regarder, rencontrer des amis, faire de nouvelles connaissances et apprendre le langage des signes. Chaque personne prenait librement le contrôle de l’espace.

Par son travail, son talent, son énergie et ses précieuses idées, chaque membre de l’équipe a permis aux Percussions avec signes de trouver leur propre expression et de se déployer.

Les musiciens étaient particulièrement attentifs au fait que le public reste libre de vivre le spectacle comme bon lui semble ; et non d’une manière spécifique. Le groupe évitait que les lumières ne transforment la scène en un espace égocentrique vers lequel tous les regards doivent se tourner. L’endroit avait également des zones de sons directs et des zones de sons indirects.

Le rythme et la musique soutenait tout ce processus. Et lorsque les musiciens et le public entraient en résonance avec la magie du moment, cela donnait une réelle transe collective et une inexplicable connexion.

En 2007, un an après le début de la Bomba de Tiempo – qui commençait à être considérée comme un mouvement – Santiago Vazquez a reçu des demandes d’autres musiciens qui souhaitaient participer aux répétitions.
Ainsi, le langage du rythme et des Percussions avec signes s’est progressivement répandu ; à commencer par Buenos Aires puis d’autres villes argentines tels que La Plata, Cordoba, Mendoza et Jujuy.

Des groupes de musique rythmique jouant tout type d’instruments se sont également mis à utiliser cette langue des signes. A commencer par le groupe de Vazquez, « La Grande », dans lequel il utilise aussi plusieurs signes de son langage précédent créé pour le Colectivo Eterofonico.